S’il est des contrées au Kasaï-Oriental où beaucoup de jeunes n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, Bakwa Tshimuna en fait partie. Ici, on pouvait entendre des jeunes et même des parents détester l’école au profit de l’exploitation artisanale du diamant. Dans ce village du territoire de Lupatapata, on pouvait se réveiller un matin indigent et revenir le soir bourré des dollars issus du diamant. Dans cette opulence, l’école n’avait plus sa place, le français non plus !
Préoccupé par cette situation, Augustin Tshitenda a créé une école, le complexe scolaire La Forge. Cet acteur de la société civile est aussi à l’origine de plusieurs initiatives de développement dans cette partie de Lupatapata.
Pour en savoir davantage sur Augustin Tshitenda et ses réalisations, nous sommes allés à sa rencontre à Bakwa Tshimuna, à environ une dizaine de km au nord-ouest de la ville de Mbuji-Mayi.
Nous vous proposons de suivre notre entretien.
Investir au Kasaï : d’où vous est venue l’idée de créer une école privée à Bakwa Tshimuna ?
Augustin Tshitenda : j’ai créé cette école en 2003. À cette époque, il n’y avait pas un bon cadre pour l’encadrement de la jeunesse. L’unique école de l’Etat ne suffisait pas pour tous les enfants de Bakwa Tshimuna. Ajoutez à cela, la prostitution des jeunes filles, le mariage précoce, l’exploitation artisanale du diamant, etc. Voilà quelques raisons qui m’ont poussé à lancer cette initiative. De notre temps, on parcourait près de 10 km tous les jours pour aller étudier à Mbuji-Mayi.
Comment cette initiative avait-elle été accueillie par la communauté ?
Elle a été bien accueillie. La preuve c’est qu’entre 2003 et 2007, on pouvait avoir en première année primaire des élèves ayant 12 ans et plus.
Avez-vous reçu des fonds quelque part pour lancer cette école ?
Nous travaillons sans appui. Nous n’avons reçu aucun appui financier ni du gouvernement ni des partenaires. Je me débrouille avec les moyens du bord.
Que faites-vous pour encourager la formation des filles dans votre école ?
Au complexe scolaire La Forge, dès le début nous avons accordé une place de choix à l’éducation des filles. Pour les stimuler à venir à l’école et à terminer leur cursus scolaire, nous avons décidé de réduire les frais scolaires pour elles.
Près de 20 ans après sa mise en place, le complexe scolaire la Forge a réussi à faire changer la perception que les habitants de Bakwa Tshimuna ont de l’école. Loin d’être simplement une zone minière, cette entité peut se prévaloir aujourd’hui d’avoir des jeunes intellectuels sortis de cette école privée.
Augustin Tshitenda est également présent dans l’éducation informelle. Il se propose de travailler à la récupération des jeunes désœuvrés filles et garçons pour l’apprentissage de métiers. Un centre de formation professionnelle est en cours de construction et d’équipement à Bakwa Tshimuna.
À l’actif de cet activiste de la société civile, on peut noter la mise sur pied de plusieurs structures dont l’objectif est l’encadrement des jeunes. Il s’agit entre autre de Assojeritsh (Association des jeunes intellectuels ressortissants de Bakwa Tshimuna ) et Aerco (Agir ensemble pour des résultats concrets).
Franck Mbambi